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[FR] Démystifions le MIMO

Véritable rupture technologique pour le Wi-Fi à l’époque, le MIMO est une technologie apparue pour la première fois avec le 802.11n (ou Wi-Fi 4, sorti en 2009). Cette technologie évolue encore aujourd’hui pour améliorer les performances de nos réseaux sans-fil. Je vous propose dans cet article un aperçu technique des fonctionnalités permises par le MIMO, ce qui nous permettra de répondre à cette question que j’entend souvent : quelle borne dois-je choisir pour ce projet, plutôt une 2×2 ou une 4×4, voire même une 8×8 ?

Qu’est-ce que la technologie MIMO (Multiple-Input Multiple-Output)

Tout d’abord, rappelons que nos bornes Wi-Fi d’entreprise intègrent généralement plusieurs radios. La majorité propose à minima une radio 2.4 GHz et une radio 5 GHz. On les appelle bornes “dual-band” car elles peuvent fonctionner sur deux bandes de fréquences. Avec l’arrivée récente du Wi-Fi 6E (cf. vidéo de présentation sur le blog https://networkjon.fr/blog/?p=223), une troisième radio 6 GHz est apparue sur certains modèles. Enfin, précisons qu’il existe aussi des bornes avec davantage de radios (par exemple 1 radio 2.4 GHz, 2 radios 5 GHz et 1 radio 6 GHz).

Ensuite, les capacités MIMO viennent se greffer sur chacune de ces radios. Il existe ainsi des bornes Wi-Fi de différentes gammes avec des capacités MIMO différentes. Une borne professionnelle récente dispose à minima de radios avec des chaines de transmission 2×2:2. Cela signifie que la borne dispose des caractéristiques suivantes sur chacune de ses radios :

  • 2 antennes en émission (Transmit ou Tx)
  • 2 antennes en réception (Receive ou Rx)
  • Et est capable d’envoyer et recevoir 2 flux de données simultanés (Spatial Stream ou SS).
Représentation d’une borne avec un module radio 3×3:3 : on aperçoit les 3 chaines de transmissions et les 3 antennes qui leur sont associées
Source: CWNA Official Study Guide

Les bornes entreprise d’entrée de gamme sont généralement équipées d’une radio 2.4 GHz et d’une radio 5GHz, toutes les deux avec une chaine de transmission 2×2:2. Les bornes entreprise haut de gamme embarquent généralement des radios mieux équipées en 4×4:4. Les bornes n’ont parfois pas les mêmes capacités MIMO sur leurs différentes radios. En effet, une borne peut par exemple être 2×2:2 sur la bande 2.4GHz, 4×4:4 sur la bande 5GHz et 4×4:4 sur la bande 6GHz. Chaque constructeur peut faire varier ces capacités selon le cahier des charges et le positionnement de la borne dans sa gamme de produits.

Certains constructeur proposent également des bornes avec radios équipées en 8×8:8, même si elles restent tout de même rares (Cisco 9130AX, Aruba AP-555, etc…). Le Wi-Fi 7 (802.11be) prévoit d’ailleurs la possibilité de supporter jusqu’à 16 Spatial Streams, ce qui risque de rester très anecdotique dans nos réseaux d’entreprise.

Qu’en est-il des terminaux Wi-Fi, comme les smartphones et ordinateurs, qui se connectent aux bornes ? Ils sont en très grande majorité 2×2:2 et certains terminaux bas de gamme peuvent parfois être 1×1:1. Il n’existe pas ou très peu de terminaux 3×3:3 et supérieurs car ajouter davantage de radios et d’antennes sur des terminaux mobiles est complexe :

  • Coût supplémentaire,
  • Encombrement supplémentaire donc équipement plus volumineux,
  • Consommation plus élevée donc autonomie inférieure.

Spatial Multiplexing

La technologie MIMO est principalement connue pour sa capacité à multiplier les débits radio. Par exemple, une borne Wi-Fi 3×3:3 peut envoyer simultanément à un client jusqu’à 3 flux de données. En pratique, le débit de cette transmission est multiplié par 3 par rapport à une transmission vers un client SISO (Single Input Single Output). Cette technologie est appelée Spatial Multiplexing.

Transmission d’une information “123456789” via 3 flux simultanés de données (Spatial Streams)

Cette technologie fonctionne très bien pour augmenter les débits. Elle a néanmoins une limite majeure dans la mesure où quasiment tous les clients sont aujourd’hui 2 Spatial Streams. Une borne 4×4:4 ne pourra pas transmettre un flux 4 SS à un client qui ne sait gérer que 2 SS.

On se demande alors le gain qu’apporte une borne 4×4:4 ou 8×8:8 par rapport à une borne 2×2:2 s’il n’est pas possible de dépasser 2 Spatial Streams. Mais le Spatial Multiplexing n’est pas l’unique avantage apporté par le MIMO. Les bornes qui disposent davantage de capacités MIMO apportent systématiquement des gains de performances grâce à d’autres technologies.

MU-MIMO

La technologie MU-MIMO (Multiple User MIMO) est arrivée avec le Wi-Fi 5 (802.11ac Wave 2). Appelée plus particulièrement DL (Downlink) MU-MIMO dans ce cas, cette technologie permet à une borne d’envoyer des données vers plusieurs clients simultanément. Fondamentalement, le medium en Wi-Fi est half-duplex et partagé, c’est-à-dire qu’une seule communication est possible à instant donné et vers un seul client. Grâce au DL MU-MIMO, on peut donc paralléliser les communications descendantes de la borne vers les clients. Plus une borne dispose de capacités MIMO, plus le MU-MIMO sera performant. Une borne 4×4:4 peut être en capacité de transmettre simultanément un flux 2 Spatial Streams à deux clients 2×2:2 différents. Et une borne 8×8:8 est en théorie capable de transmettre simultanément un flux 2 SS à quatre clients 2×2:2 différents. Précisons cependant que DL MU-MIMO fait appel à des techniques avancées de Beamforming qui ne peuvent pas systématiquement fonctionner car elles sont fortement liées à l’environnement (idéalement, il faut que les clients soient statiques et répartis uniformément autour de la borne Wi-Fi).

MU-MIMO est donc une technologie intéressante car elle permet d’accroitre le nombre de clients qu’un réseau sans-fil peut supporter. Les communications simultanées permettent d’augmenter les débits pour les clients et diminuer la latence car le canal radio se retrouve moins utilisé et les opportunités de transmission sont plus nombreuses.

Une borne envoie 3 flux de données ‘downstream’ simultanément à 3 clients différents.
Source : tp-link.com

Space Time Block Coding & Maximum Ratio Combining

Ces deux techniques utilisent les chaines de transmission MIMO afin d’améliorer la fiabilité et la robustesse des communications radio entre bornes et clients, ce qui est très intéressant dans les environnements complexes présentant des réflexions de signaux et des niveaux de bruit élevés.

STBC : technique de transmission

Cette technique de codage fonctionne au niveau de l’émétteur en exploitant la diversité spatiale et temporelle : une borne va par exemple transmettre des copies redondantes du même signal à travers ses différentes chaines de transmission et antennes et à des instants différents. Cette redondance de signaux permet au récepteur de combiner les différents exemplaires du signal reçu et de reconstruire un signal plus robuste, améliorant ainsi le rapport Signal sur Bruit (SNR – Signal to Noise Ratio). Cette technique est particulièrement intéressante dans les environnements avec beaucoup de réflexions. Elle permet d’éviter le phénomène de “fading” qui existait en 802.11a/b/g et qui pouvait créer de véritables trous de couverture : par exemple, dans un entrepôt, plusieurs réflexions et chemins d’un même signal original étaient reçus en opposition de phase et s’annulaient tout simplement (à l’image du fonctionnement d’un casque ou d’écouteurs à annulation active de bruit).

C’est également une technique intéressante dans les environnements où le niveau de bruit électromagnétique est élevé (comme les usines) grâce à sa capacité à augmenter le SNR.

MRC : technique de réception

Cette technique améliore également la qualité du signal en combinant les signaux reçus par différentes antennes au niveau du récepteur (à la différence de STBC qui fonctionne au niveau de l’émetteur).

Transmission d’une information “123456789” et décodage combiné grâce à MRC
Source : CWNP Official Study Guide

Avec cette technique, plus la borne dispose de capacités MIMO, plus elle peut combiner d’exemplaires du signal et plus elle augmente le SNR. Ainsi, une borne 4×4 disposera davantage de chaines de transmissions et d’antennes qu’une borne 2×2 et elle pourra donc améliorer d’autant plus le SNR de la transmission. De même, le MRC avec une borne 8×8 sera encore plus performant et permettra encore d’améliorer la qualité du signal reçu.

Attention aux besoins PoE !

Nous avons vu que les capacités MIMO des bornes varient. Plus une borne embarquent de chaines de transmission et d’antennes, plus elle consomme d’énergie. Le budget PoE des bornes est donc à étudier de très près ! De plus, avec l’arrivée des bornes Wi-Fi 6E et l’ajout d’une nouvelle radio 6 GHz, les bornes Wi-Fi consomment encore plus d’énergie qu’auparavant.

La grande majorité des bornes entreprise nécessitent aujourd’hui à minima du PoE+ (802.3at – 30W). Et les bornes qui nécessitent du PoE++ (802.3bt 45W ou 60W) pour fonctionner à pleines capacités commencent à être courantes.

Classes PoE

Les constructeurs incluent néanmoins des algorithmes de gestion de l’énergie. Ainsi, lorsqu’une borne n’obtient pas la quantité idéale d’énergie pour laquelle elle a été conçue, elle va dégrader ses performances.​​​​​​​ Certaines arrivent à maintenir toutes leurs capacités MIMO en désactivant d’autres fonctions comme le port USB, la radio BLE, la vitesse de l’interface Ethernet, etc…

Mais si ce n’est pas possible, la borne va finir par désactiver des chaines de transmissions MIMO, voire même des radios entières. Dans certains cas de figure, on peut se retrouver avec une borne haut de gamme dont les performances sont finalement similaires à une borne d’entrée de gamme.

Conclusion

Avec le MIMO, plus sera toujours mieux ! Le choix d’un modèle de borne (2×2:2 ou 4×4:4) se fera donc en fonction de ces différents critères :

  • la criticité du service Wi-Fi : si les usages et applications sont “business critical”, l’ajout de capacités MIMO permet de fiabiliser les communications.
  • le budget : davantage d’éléments radio signifie nécessairement une borne Wi-Fi plus chère.
  • la densité des clients Wi-Fi : des capacités MU-MIMO supplémentaires permettent d’associer davantage de clients sur une même borne, ce qui est un facteur décisif pour les environnements très haute densité (auditorium, salles de cours, etc…).
  • l’environnement : un environnement complexe qui présente un niveau de bruit élevé (par exemple une usine équipée de nombreuses machines) pourra bénéficier de capacités MIMO supplémentaires pour fiabiliser les communications.
  • la consommation PoE : les switches doivent être capables d’alimenter pleinement les bornes. Si la borne doit désactiver des chaines de transmissions MIMO par manque d’énergie, alors elle ne sera potentiellement pas plus performante qu’une borne de gamme inférieure.​​​​​​​
  • l’esthétique : on remarquera que plus une borne est haut de gamme, et embarque des capacités MIMO, plus ses dimensions s’agrandissent car il faut bien réussir à loger toutes ces radios et ces chaines de transmission supplémentaires. Dans certains environnements (showrooms, musées, hôtels, etc…), ces bornes deviennent parfois trop imposantes.

Finissons par mon avis et mon expérience. Dans la majorité des déploiements de réseaux d’entreprise, on se limite généralement à du 4×4:4 maximum car il constitue un très bon compromis entre performance et coût. Le 8×8:8 est techniquement et financièrement beaucoup plus difficile à justifier et il n’est que très rarement déployé. Enfin, les bornes avec radios 2.4 GHz en 2×2:2 et radios 5/6 GHz en 4×4:4 sont généralement une très bonne solution intermédiaire car nous connectons aujourd’hui nos usages les plus critiques sur les bandes 5 et 6 GHz. Le 2.4 GHz étant plutôt considéré comme ‘Best effort’ de nos jours, je n’ai généralement pas d’objection à opter pour des capacités MIMO en 2×2:2 sur cette bande.

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